Jérôme, Vincent, Bobby et les autres.

Le regard de Chambaz

Il porte le numéro 15. Il a une façon bien particulière de courir, à petits pas, comme un joueur de tennis en fond de court. D'ailleurs – vous l'avez sûrement remarqué – c'est un coureur de fond. Il se multiplie, il offre des solutions, il ne garde pas le ballon pour lui mais il sait mettre le pied sur le ballon quand il le faut, il a l'intelligence du jeu. Depuis le 5 avril, il a vingt-neuf ans. Sur le pré, il est celui qui attire les regards (avec Bellion pour son élégance et Bouazza pour ce mélange singulier de vitesse et de puis­sance).

Jérôme Hegault est arrivé cet été au Red Star –juste avant moi. Il dispute son pre­mier match lors de la septième journée, contre Colmar. A la 55 eme minute, il doit sortir du terrain à cause d'une fracture – radius et cubitus, au bras droit. Hergault ne fait pas les choses à moitié. Il est vite revenu, pour honorer les termes de son contrat et pour le plaisir de jouer.

On sait qu'il vient de loin, de Luzenac. On sait moins qu'il vient d'à côté, de Saint-Leu, où il a grandi. C'est donc un retour en région parisienne où il a gardé ses copains d'enfance. Il a commencé à jouer au foot à huit ans pour faire comme son frère aîné et le foot est vite devenu sa passion. « Le truc, on le vit ». La phrase revient comme un leitmotiv. Il a même foulé la pelouse de Bauer en cadets, ou en moins de quinze ans. Autant dire qu'il n'est pas dépaysé.

A l'école, il dit avoir fait le strict minimum. Mais il l'a fait longtemps. Il a fini par décrocher un master 2 de droit. Il s'est spécialisé dans le droit du travail et le droit de la santé, au système de la sécurité sociale, tout un programme. Ses études finies, il a eu l'opportunité de signer un contrat de travail, la chance que le football devienne sa profession, « le plus beau mé­tier du monde».

En parallèle, il a continué à jouer en club, du côté de Toulouse où ses parents ont dé­ménagé quand il avait seize ans. D'abord à Lavaur (Tarn) puis à Luzenac (Ariège). La montée du CFA au National était déjà pour le moins improbable. Il a aimé cette aven­ture, « l'esprit Luzenac ». Tous les joueurs habitaient la ville rose et s'y entraînaient mais l'équipe n'avait rien d'une escouade de mercenaires. Ils faisaient le voyage en Ariège pour des matchs à guichets fermés, fût-ce devant mille personnes, le terrain à l'anglaise, mais petit, déstabilisant pour les adversaires. La question du stade a empê­ché la montée en Ligue 2. Luzenac, Foix, Ernest-Wallon à Toulouse, rien n'y fit, on le sait. Et si Jérôme considère que les dirigeants ont com­mis quelques erreurs, il affirme qu'on ne peut pas reprocher à un club amateur d'avoir été amateur et il regrette que les intérêts économiques soient venus primer sur l'intérêt spor­tif.

Evidemment, il a hâte de jouer en Ligue 2. Moi aussi. En attendant samedi après-mi­di de rece­voir Chambly. Au passage, il reconnaît que le métier laisse du temps libre. « Quand j'ai besoin de me détendre, je lis », plutôt par périodes, et par exemple la biographie de Steve Jobs.



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