Archives et compte à rebours

Le regard de Chambaz

Je reviens d'un stage à la neige pour aborder dans les meilleurs conditions la der­nière ligne droite du championnat. C'est une longue ligne droite, de douze matchs, qui permet de voir venir et oblige à tenir la distance. Celui de ce vendredi contre Bourg-Peronnas – qui fut une capitale des ducs de Savoie et qui n'est plus qu'un chef-lieu du poulet – n'est pas le moins important.

  Pour calmer mon impatience et tempérer mes globules, je me suis replongé dans les archives du Red Star. Par expérience, nous savons que les trois temps – passé, présent, futur – sont indissolublement liés et que ce lien détermine nos vies. Ainsi, quel ne fut pas mon plaisir de lire en frontispice du programme rédigé pour le 50 eme anniversaire du club, le 31 mai 1947, l'évocation d'« une journée où le passé et le futur se mélangèrent allègrement ». Pour l'occasion, des artistes apportèrent leur salut – le compositeur Arthur Honegger auquel on devait le mouvement symphonique n° 2 intitulé Rugby (qui faillit être Football) et Tristan Bernard qui créa l'Association des écrivains sportifs. Quant au bon Jules Rimet aux portes du crépuscule, il y allait de son petit mot divinement optimiste sur son étoile rouge, imaginant « la voir s'engager sereinement vers un avenir sans fin ».

   Toutefois, je garderai toujours une tendresse particulière pour la poésie discrète des  vieilles feuilles. A commencer par l'acronyme – le Red Star O. A. Il faut réfléchir quelques instants pour comprendre Olympique Audonien. Il y a aussi les réclames – pour les yaourts, lait stabilisé (sic) et jus de fruits OFCO et pour les chaussures BOU­DUR sous la forme d'un impératif : Footballeurs Chaussez la BOUDUR. Il y a encore l'annonce encadrée qui prévient le lecteur que « au cours de la réunion la musique de l'Armée de l'Air se fera entendre et […] applaudir ». 

  Football et rugby se partagent le monde des souvenirs et des espoirs, sous la plume de Robert Louis (football) et Yves Raffaillac (rugby). Louis est le trésorier général du club des supporters, Raffaillac le secrétaire général du club. Le premier se contente d'un historique où les Coupes ont la part belle et d'une liste des grands joueurs, no­tamment étrangers. Dans cette liste, je remarque l'absence de celui qui sera le plus cé­lèbre, Helenio Herrera, bientôt il Mago, transfuge chez le rival du Stade Français, évincé de la liste par un accès de mesquinerie. Le second donne libre cours à une espèce de chronique où se mêlent enchantement et désenchantement, rappelant la décison de se retirer d'un championnat qui les avait écoeurés, « nous contentant de promener nos maillots verts à travers la France avec toujours beaucoup de bonheur ». On aurait joué dans cette équipe, à moins. 

  Le futur n'est jamais loin, les neiges d'antan non plus. Le compte à rebours a commencé. Il a sans doute com­mencé depuis un bail. Disons alors qu'il accélère. Dans deux mois, le championnat sera terminé. Douze matchs en deux mois, nous avons (aurons) de quoi éprouver des émotions. 



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