Le regard de Chambaz

La chronique de l'écrivain en résidence

 Cap à l'Est. La semaine a bien commencé avec cette victoire brillante à Epinal – et Lefaix l'a refait, comme à Avranches, il a même fait mieux, un triplé. A croire que le Red Star doit gagner 4 buts à 2 à l'extérieur pour qu'il fasse feu des quatre fers – au­trement dit, pour qu'il fasse des étincelles.  

  Cette semaine, les « verts » restent au vert sur la ligne bleue des Vosges avant de rencontrer les « bleus » de Strasbourg. Le voilà le match au sommet. On me pardon­nera, je l'espère, de revenir à l'Histoire – et franchement, si c'était moi qui choisissais les clubs qui montent en Ligue 2, j'emmènerais volontiers le Ra­cing là-haut. 

  Le club est apparu en 1906, quand le Red Star n'avait pas encore dix ans. C'était,  évidemment, en Alle­magne qui était encore un empire, un kaiser à sa tête, qui lui vaut ce nom de « FC Cäsar Neudorf ». Avant-guerre, on joue dans un jardin, sur un pré, loué à bon prix, qui deviendra la Meinau. Devenu français, le club est rebaptisé Racing club à l'imita­tion du Racing club de France et s'illustre pendant l'entre-deux-guerres. En 1939, il est évacué – avec les habitants de la ville – à Périgueux et il conquiert le titre de champion de Dordogne (c'est le versant plutôt comique de l'Histoire-géo). Rapatrié en Alsace, il dispute un championnat allemand sous le nom  prosaïque de « Club des sports sur pelouse ». Il y rencontre notamment le Red Star Strasbourg contrôlé par les SS (c'est le versant tragique de l'His­toire) ; ce jour-là, les joueurs manifestent un esprit de résistance en jouant en maillot bleu, short blanc, bas rouge, et ils mettent un point d'honneur à ne jamais perdre contre le rival qui, pour de bon, était l'ennemi. 

  On aimerait bâtir une équipe du siècle comme on pourrait la faire pour le Red Star. Beaucoup de joueurs hors classe sont passés par le club, même si les noms ne disent plus grand chose aux jeunes d'aujourd'hui – et c'est peut-être à ça, aussi, que ces chro­niques peuvent servir. Ici je retiendrai simplement Oskar Rohr, citoyen allemand, champion avec le Bayern en 1932, numéro 9 du Racing jusqu'à la guerre où il s'en­gage dans la Légion étrangère pour combattre les nazis comme avant lui Cendrars – qui jouait goal – pour la guerre qui devait être la « der des der ». 

  On sait que le Racing a fait du yoyo. Il a connu la montée, la descente, de division en division, il a gagné des trophées. Et le yoyo s'est transformé en toboggan. Malgré ses avatars, il s'est tou­jours soucié de la formation et une de ses plus belles victoires est certainement celle de son équipe de jeunes dans la coupe Gambardella 2006. 

  Pour le Red Star, la semaine s'est moins bien terminée qu'elle n'avait commencé. Son étoile a pâli, légèrement pâli, mais pâli. Si sa force consiste à marquer un but de plus que l'adversaire, ce fut, si on peut dire, encore le cas. Quoiqu'il en soit, cet auto­goal n'entame en rien ma confiance pour aborder le mois de mai, le joli mai d'Apolli­naire qui nous menait en barque sur le Rhin.



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