David Boulanger : « L’efficacité avant tout »

Entraîneur des gardiens, des poussins jusqu'aux U19, David Boulanger livre les recettes d'un bon gardien !

En charge de la formation des gardiens de buts du Red Star, des poussins jusqu’aux U19, David Boulanger évoque son métier d’entraîneur et donne sa vision du poste le plus spécifique du football.

Appliques-tu les mêmes méthodes d’entraînement avec un très jeune gardien qu’avec un gardien aguerri ?
Les séances sont adaptées à l’âge des joueurs, dans un cadre de travail commun. Tous travaillent sur une planification annuelle partagée en différents cycles. Depuis le mois de janvier, nous sommes dans le cycle « plongeons ». De septembre à la Toussaint, c’était le cycle « prise de balle », avant le cycle « déplacements » jusqu’à Noël. A partir des vacances de février, nous serons sur le cycle « sorties ». Une évaluation individuelle conclut chaque cycle, ce qui permet d’évaluer les progressions, et d’établir un suivi au travers des saisons. Le thème est donc le même, mais l’intensité sur la puissance des frappes, sur les déplacements, ou sur la vitesse d’exécution ne sera pas la même selon la catégorie du joueur. A partir des U17, un travail de renforcement musculaire du bas et du haut du corps est en outre nécessaire.

Le métier de gardien repose sur des basiques techniques qui doivent certainement faire l’objet de beaucoup de répétitions à l’entraînement. Comment parvenir à varier les séances ?
Il faut que les séances soient répétitives. Sur les prises de balles, les déplacements, ou les plongeons, un gros travail de répétition est effectué pour que les gestes soient acquis. Il faut tout de même introduire une part ludique dans le travail, mais c’est la rigueur qui passe avant tout. Tout ce travail ingrat doit être effectué, quel que soit le niveau. Chaque jour, un gardien doit travailler ses gammes de façon répétitives s’il aspire à progresser.
 
Te montres-tu tolérant avec les techniques naturelles des jeunes gardiens ou bien corriges-tu une prise de balle en W (1), comme un professeur de tennis pourrait corriger une prise de raquette, par exemple ?
Au niveau de la formation, l’objectif est de donner aux jeunes une panoplie technique la plus complète possible. Je suis amené à corriger la prise de balle comme un professeur de tennis, effectivement. Avec le temps, chacun sera à même de juger quelle technique est la plus efficace pour lui en fonction de sa propre évolution.

Quel incidence a le jeu de jambes sur la qualité d’une intervention ?
Le jeu de jambe est capital. La première chose qui entre en ligne de compte, c’est l’analyse du cerveau, qui va déclencher la technique adaptée. C’est la raison pour laquelle la lecture du jeu est primordiale. Sur un ballon au sol ou à mi-hauteur, le déplacement sera différent : à mi-hauteur, le déplacement s’effectuera en pas chassés, tandis qu’au sol, ce sera en pas croisés. Tout part de l’analyse, de la lecture de la situation.

La qualité de déplacement d’un gardien est-elle innée ?
C’est la répétition, le travail, qui va permettre au gardien d’apporter la bonne réponse au bon moment. Il en va d’ailleurs de même pour les réflexes, qui sont le fruit du travail quotidien. Il y a un vrai débat concernant le poste de gardien de buts, sur la notion de réflexe. Certains, comme le président de la commission technique régionale, avancent que le réflexe n’existe pas. C’est un acte généré par un travail d’anticipation, de déplacement, qui a été travaillé et encore travaillé. Ce travail permet d’apporter une réponse adaptée plus vite.

Quel rôle tient le jeu au pied dans l’éventail des gestes de gardiens ?
C’est un aspect hyper important. Les plus performants dans le domaine font généralement partie des meilleurs gardiens, pour la simple et bonne raison qu’il y a beaucoup plus de ballons au pied à jouer que d’interventions à effectuer. Un gardien sera donc forcément davantage jugé et évalué sur un domaine récurrent.

Qu’est ce qui est bien plus important que la qualité des réflexes chez un gardien, et que le spectateur ne voit pas forcément ?
Sa réponse face à une situation donnée. Sa lecture qui va lui permettre d’entreprendre telle ou telle chose du point de vue technique. Pour prendre l’exemple de Barthez, c’est sa faculté de lire le jeu qui lui permettait de faire ce qu’il avait à faire beaucoup plus vite que les autres.

Le gardien doit-il obligatoirement avoir une forte personnalité pour commander une défense ?
Pas toujours. Un garçon comme Lloris n’est pas particulièrement expansif, mais il dégage une grosse présence. Ce qui est capital à ce poste-là, c’est la présence que tu peux mettre dans tes interventions. Par rapport à la qualité de ce qu’il va faire, un gardien va avoir une certaine influence sur l’ensemble du collectif et des adversaires. L’autorité est essentiellement liée à la qualité des interventions effectuées.

Y a t-il une part pour la créativité à ce poste ?
C’est possible sur des choix de relances. Un gardien en confiance aura une lecture qui pourra amener des situations de relances adaptées aux consignes de l’entraîneur.

Alors que beaucoup jugent de la qualité d’un match en fonction du nombre de buts inscrits, le meilleur match de football à tes yeux se termine par un 0-0 ?
En tant que gardien de buts, ce que je recherche avant tout, c’est l’efficacité. Je ne prends pas de plaisir particulier en tant que spectateur devant un 0-0, mais je dois avouer que quand je regarde jouer un gardien que j’entraîne, je recherche toujours l’efficacité. Et à ce poste, l’efficacité, c’est de ne pas prendre de but…

Propos recueillis par Michael Grossman

(1) une prise de balle classique, dite en losange, implique que les index et les pouces opposés forment un losange ; moins exagérée, la prise sera dite du triangle, tandis qu’une prise en W indique que les index opposés sont décollés, et forment ainsi un W avec les pouces joints.



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