Jean Baeza

Hommage au « redoutable fantassin » !


Décédé à Cannes le 21 février dernier, Jean Baeza est le dernier audonien à avoir été appelé en sélection nationale. Le natif d’Alger s’était affirmé comme un défenseur de classe internationale au cours d’une carrière qui l’a mené à Saint-Ouen le temps d’une saison. Portrait.

Le ballon rond comme destin
Né à Alger le 20 août 1942, Jean Baeza commence à pratiquer le football en Algérie dès son plus jeune âge. Issu d’une famille d’ouvrier et au milieu de ses sept sœurs et de ses trois frères, il baigne déjà dans une ambiance football : son père, d’origine espagnole, est footballeur au Racing Universitaire d’Alger. « Un rude numéro doté d’une force physique et capable d’évoluer à tous les postes » selon les mots de son fils. Ce dernier débutera d’ailleurs au RU d’Alger comme gardien de but avant d’arriver en France, au Racing Club de Paris (il restera vingt jours en stage). Mais c’est au poste de défenseur central qu’il lance sa carrière professionnelle à l’Association Sportive de Cannes lors de la saison 1962-1963. Jean Baeza y restera trois saisons avant d’effectuer les cinquante six kilomètres pour rallier la principauté monégasque. Entre 1966 et 1968, le défenseur découvre la première division, disputant soixante cinq matches et inscrivant un but. Il est alors considéré comme le meilleur élément du groupe et gagne sa place en équipe de France. Pour sa première sélection avec les A, le 17 septembre 1967, Jean affronte la Pologne à Varsovie en match de qualification pour le championnat d’Europe. Titulaire sur le flanc gauche de la défense aux côtés de Jean Djorkaeff, Roland Mitoraj et Bernard Bosquier, il participe ce jour-là à la large victoire française 4-1 devant 80 000 spectateurs.

Sélectionné à six reprises sous le maillot monégasque, celui que ses coéquipiers qualifient de « redoutable fantassin » choisit de quitter la principauté à l’été 1968. Gilbert Zenatti, président du Red Star, écrit alors au défenseur pour lui faire part de son souhait de la voir avec le maillot de l’Etoile Rouge. « Je n’ai pas choisi le Red Star. C’est M. Zenatti, le président, qui m’a écrit et nous nous sommes mis d’accord. Me voici donc Parisien, avec (Francis) Magny et bien content de l’être. Sans prétention, je pense que nous pouvons tous deux aider nos camarades à faire une bonne saison ». Par ces mots, l’ancien pensionnaire de la Côte d’Azur signe son arrivé dans la banlieue parisienne.

Parfois arrière central, parfois arrière latéral, Jean Baeza était un joueur complet, de taille moyenne (1,72 m), pas très lourd (70 kg), et pourtant très athlétique. Souple, rapide, doué d’une bonne détente et d’un très bon jeu de tête, il a, de plus, une très bonne frappe de balle des deux pieds ! Dans l’interview au Miroir Sport en 1968, le défenseur se présente : « Individuellement, je préfère le poste d’arrière central à celui d’arrière latéral, plus difficile à tenir, à mon sens. Je préfère de même le marquage individuel à la défense de zone. Je m’y trouve plus à l’aise. Collectivement, je m’adapte à tous les systèmes. A Monaco, nous jouions en 4-2-4 assez souple, avec une légère couverture. J’ai l’impression qu’au Red Star le système est plus rigoureux mais je m’y ferai, soyez-en sûr ! Il y a cependant un geste qui me déplaît : le dégagement au hasard. J’aime remettre la balle en de bonnes conditions, au partenaire bien placé. Ce qui ne se fait, bien sûr, pas l’un sans l’autre ».

Défenseur de l’Etoile Rouge le temps d’une saison !
En Juillet 1968, toute la presse sportive se fait donc l’écho de l’arrivée de Jean Baeza. Le Red Star vise haut en effet et veut rivaliser avec les meilleurs.  Baeza et Magny sont rejoints par deux anciens internationaux juniors : Serge Besnard de Montreuil et le Cannois Jacques Duclercq, auxquels vient s’ajouter l’avant-centre Montpelliérain Jacques « Jacky » Vergnes.

Installé dans un hôtel à quelques mètres du stade Bauer en compagnie de sa femme Sandrine tout au long de sa saison audonienne, Jean Baeza s’acclimate vite à la banlieue parisienne : « Ce qui me plaît ici, c’est le milieu. Saint-Ouen, c’est le monde des ouvriers. Le mien, celui de ma famille. J’y suis à l’aise, j’y suis moi-même, mieux qu’ailleurs ». Non sans humour, il indique même dans une interview au Miroir Sport « ne pas regretter le soleil de la « Côte ». Je suis né en Algérie, mais je n’aime pas la chaleur. Ici, il fait plus frais. Le temps est plus varié. Je me sens parfaitement à l’aise. Je dors très bien. Tenez, hier soir, j’étais couché à neuf heures. J’ai fait le tour du cadran, ça décontracte. C’est nécessaire dans notre métier ».

Malheureusement, sur le terrain les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs audoniens. Le Red Star doit patienter la quatorzième journée pour enregistrer sa première victoire sur le terrain du Football Club de Nantes et les Vert et Blanc n’échapperont aux barrages que lors de l’ultime journée en disposant de Rouen par quatre buts à zéro à Bauer, bouclant cette saison 1968-1969 à la quinzième place. Jean Baeza, fort de trois buts durant la saison, fait ses adieux à Saint-Ouen pour rejoindre les bords du Rhône et l’Olympique Lyonnais. Sous le maillot des Gones entre 1969 et 1974, Jean Baeza remportera la Coupe de France en 1973 puis retrouvera le Sud et l’AS Cannes, alors en deuxième division, pour y terminer sa carrière en 1977.

Un hommage lui a été rendu sur les stades de Louis II, Gerland, Pierre de Coubertin-La Bocca tandis qu’une minute d’applaudissements lui a été chaleureusement dédiée au stade Bauer le 26 février dernier. Un salut au « redoutable fantassin » Jean Baeza, dernier bleu de l’étoile rouge.

Bruno Bézier

Sources :
« Red Star, Histoire d’un siècle » et « Mémoire du Football – Red Star » de Pierre Laporte et Gilles Saillant, à découvrir ou redécouvrir sur la boutique officielle !



Voir les autres articles