Rebelles de l’Etoile Rouge !

Joueurs du Red Star, acteurs de l’Histoire !


La petite histoire du Red Star s’est souvent confondue avec la Grande Histoire du pays. En cent-quinze ans, de changements d’époques en destins exceptionnels, le club de Saint-Ouen a vu passer des personnalités étonnantes tant par le choix de vie que par leur caractère. Rebelles à la contrainte ou lucides sur l’avenir du monde, ces joueurs, entraîneurs ou dirigeants avaient en commun d’être profondément engagés. Focus sur certains d’entre eux.

Rino, le symbole
Pour le Red Star, le visage de la Résistance a vingt ans et un regard d’enfant. Jeune Italien exilé en France, Rino Della Negra personnifie la lutte contre l’occupant nazi au sein du club audonien. Sa signature à Saint-Ouen à l’été 1942 précède de peu la terrible rafle du Vél d’hiv. Un évènement qui sonne comme une prise de conscience pour le gamin d’Argenteuil. Virevoltant ailier droit, Della Negra a autant de talent que de courage. Le football dénaturé par le régime de Vichy (match raccourci à quatre-vingt minutes, obligation de jouer avec sept professionnels et quatre amateurs) n’est plus sa seule préoccupation. Ses coéquipiers le décrivent comme un joueur discret et gentil, qui parlait peu. Il en cachait tant… Les vestiaires du stade de Paris (ancien nom de Bauer) auraient alors servi de planques d’armes à ses activités. Preuve que son esprit c’est désormais celui de la Résistance, du combat et de la clandestinité. Son engagement est concret : les francs-tireurs partisans et le groupe Manouchian sont sa nouvelle équipe. Et elle ne manque pas de trophées : attaque du siège du parti fasciste italien à Paris, exécution du général Von Apt. En tout, une soixantaine d’actions revendiquées pour « ces vingt-trois étrangers et nos frères pourtant » popularisés par Aragon (poème l’Affiche Rouge). C’est lors de l’une d’entre elle que Rino est arrêté par la Gestapo. Fusillé au Mont Valérien, celui qui criait « la France en s’abattant« , ne manque pas d’écrire une lettre posthume où il envoie « le bonjour et l’adieu à tout le Red Star ».

Maouche, un engagement méconnu
Curieux destin que celui de Mohamed Maouche. Sa carrière est une fulgurance. Repéré dès dix-sept ans, il rejoint le Stade de Reims en 1956, année où il participe à la finale de la Coupe des clubs champions. Annoncé comme un phénomène, il ne déçoit pas. Son début de saison 1957-1958 est spectaculaire. Quatre buts en trois matches et la France du football à ses pieds. L’attaquant a la lourde tâche de remplacer le grand Kopa parti à Madrid. Les espoirs qu’ils suscitent sont immenses. Il ne les assumera pas tous. A vingt ans, la mission était impossible. Promis à un avenir grandiose, le talentueux Maouche n’aime pas la facilité. Son sens de l’honneur lui impose de traverser la Méditerranée pour rejoindre l’équipe du FLN en pleine guerre d’Algérie. Lui l’enfant d’El Biar rejoint cette sélection sans Etat en Tunisie. Il la servira pendant toute la saison 1958-1959 pour faire connaître la cause algérienne. Son sacerdoce terminé, il exprime le souhait de rentrer en métropole où sa fuite un an auparavant avait été pour le moins mal vue. Le Red Star lui tend la main. Milieu de terrain aux côté de Penverne, il participe à la bonne saison audonienne (cinquième de D2, huitième de finaliste de la Coupe). En 1961, à vingt-cinq ans à peine, cette étoile filante du ballon rond repart en Algérie. Il est presque l’heure de vivre l’indépendance de près.

Des matches de solidarité
Ces exemples d’engagements personnels ne sont pas exhaustifs. D’autres Audoniens ont servi de nobles causes dans l’anonymat. Ces soldats de la première Guerre qui ont mis leur carrière entre parenthèses (Gamblin, Chayrigues), ces retraités du football passés par l’Etoile Rouge, héros oubliés de la Résistance (Maës), ces dirigeants rêveurs et engagés qui ont donné au Red Star son identité. Celle d’un club choisi par les instances pour accueillir le 3 septembre 1944 un match de bienfaisance (Red Star – Racing) au profit des familles des Français Libres morts lors de la Libération de Paris, celle d’une équipe prête à jouer le 28 mai 1968 pour financer la grève des ouvriers de Saint-Ouen, celle d’une Etoile qui peut regarder l’histoire en face.

François-Xavier Valentin



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