À la rencontre de Bobby Allain

Le regard de Chambaz

Le romancier, poète et historien, Bernard Chambaz, apportera son regard sur le club avec une chronique publiée tous les mercredis. Aujourd'hui, Monsieur Chambaz est parti à la rencontre de Bobby Allain, gardien du Red Star.

   Premier article, pour ce 1 er octobre, après ma première visite au stade Bauer, ce n'est pas seulement le hasard qui me met en présence du numéro 1 – le gardien Bobby Allain. A bientôt vingt-trois ans, c'est un des plus vieux pensionnaires du Red Star et – auparavant – il a foulé la pelouse du stade Clerville à Ivry-sur-Seine. Evi­demment, selon l'étrange façon de compter au football, ou en tout cas de numéroter les maillots, on sait ici que le numéro 1 n'est encore que le numéro deux.

   S'il se nomme Allain, il le doit à son père. S'il se nomme Bobby, il le doit à sa mère, admiratrice du jeune frère du fameux J.R. dans le feuilleton Dallas qui prend fin l'année de sa naissance. En quelque sorte, il est déjà un peu le remplaçant. Mais ce qu'il doit aussi à sa mère, ce sont ses racines écossaises. A seize-dix-sept ans, il a joué là-bas, ou là-haut, à une petite heure de Glasgow, au F.C. Clyde qui tient son nom du fleuve qui traverse la ville. Ses meilleurs souvenirs restent liés à ce pays – autant pour le foot que pour ses vacances, pour tant est qu'on puisse distinguer les deux. Il reste émer­veillé par l'ambiance, à la fois celle des matchs et celle des entraînements, par l'en­gagement absolu des joueurs, par la passion des spectateurs, et il en re­trouve une étin­celle au Red Star. Pendant les vacances, il n'explorait pas vraiment le terri­toire écos­sais, n'est pas allé plus au nord que le loch Ness, mais il passait son temps à jouer au bal­lon avec ses cousins. Ils jouaient d'abord sur un sol bétonné, ce qui n'est jamais l'idéal pour un gardien, ni pour ses coudes et ses genoux, ni pour les manches de ses maillots. Alors ils ont coupé du bois, pris des clous et un marteau, fa­çonné leurs propres poteaux, forcément carrés puisqu'on est à Glasgow, et ils les ont posés sur une pelouse à côté du béton. Bob­by gardait donc les cages, avec d'autant plus de vigilance qu'il n'y avait pas de filets. En bon écossais britannique, il n'était pas favo­rable à l'indépendance et le résultat du referendum l'a satisfait. Par ailleurs, sa couleur préférée est le vert. Mais cette année, les gardiens devront alterner le jaune et le rouge. 

   Son oncle ne jouait pas dans Dallas mais gardait déjà – à cette époque – les buts du Red Star. Son modèle est depuis toujours l'immense Gianluigi Buffon, qui a écrit un livre étonnant qu'il n'a pas encore lu (on en reparlera un jour, du poste unique de gar­dien et aussi des gardiens du Red Star). Parmi les « goals keepers » français, il apprécie Lloris, gar­çon d'apparence frêle qui réussit à s'imposer dans sa surface et qui a un air absent. Il a connu la même mésaventure lors d'un match de coupe, un coup de genou sur la tempe, et plus aucun souvenir ; mieux encore, le lendemain, il prépare son sac comme si c'était le jour du match, et son père doit lui expliquer qu'il a joué la veille et qu'il a même arrêté deux tirs au but.  

   Bobby a toute confiance pour la montée en Ligue 2. Et la conversation avec lui est très agréable. Si ce sont des indices, je vais passer une bonne année ici.

Bernard Chambaz



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