Le regard de Chambaz

La chronique de l'écrivain en résidence

 Si je suis ici et si je joue avec plaisir ce rôle de nouvelle recrue du mercato d'été qui m'a été généreusement dévolu, je le dois à une résidence d'écrivain proposée par le Conseil général de Seine Saint-Denis. Mon choix s'est naturellement porté sur le  Red Star et, par curiosité, sur le Flash, le club de football (américain) de La Courneuve, puisque là-bas – en Amérique et au stade Géo André – on joue au foot avec un ballon ovale. Le ballon rond c'est bon pour le soccer. 

  Et c'est bon pour Saint-Ouen où il a ses lettres de noblesse, obtenues sous le sceau du monde ouvrier. Ainsi le club du Red Star a-t-il vocation à draîner et aspirer les jeunes joueurs de la ville, du bassin, du territoire, du département, de la plaine, des cantons, comme on veut. A leur donner une chance. L'histoire de Saint-Ouen ne date pas d'hier. L'habitat remonte au paléolithique moyen, ce qui fait quand même une trotte. Ouen fut un saint  qui jouait – si on peut dire sans offenser personne – dans l'équipe du bon roi Dagobert, quand le stade Bauer n'était qu'un terrain vague. Ouen c'est Owen et Owen, en anglais, c'est le Ballon d'or 2001. 

  Dans cette longue histoire, les rois s'illustrent diversement et, pendant la Révolution, la ville est baptisée Bain-sur-Seine. Mais il faut attendre la révolution suivante pour qu'on bâtisse le port et les docks. Ce fut le début de l'industrialisation, qui donna la fameuse ceinture rouge située juste de l'autre côté des fortifs puis des périphs – on appréciera la rime.

  Ce qui est sûr, c'est que le Red Star est le fleuron de la ville. D'autres préfèrent les puces, autrement dit les antiquaires, moi pas. Alors, voilà pourquoi j'ai signé – des deux mains – et des deux pieds – la lettre ouverte à monsieur le maire sur l'urgence et l'ambition sportives (sic) que chacun pourra lire et apprécier par ailleurs. Et je la signe avec l'aval de notre bon maître, Raymond Queneau :

     La fleur bleue ou bien la blanche

     Et mon coeur qu'en a tant pris
 

     Et mon coeur qu'en a tant pris

     A Saint-Ouen près de Paris 

  pour reprendre – de volée – l'envoi de ce poème connu comme le blues de Saint-Ouen, qui a sa place dans un recueil au titre de circonstance, L'instant fatal. Pour un peu, Queneau la signerait de bon coeur, la lettre ouverte à monsieur le maire, comment dîtes-vous, ah oui, Delannoy.

  Cependant, je m'en voudrais de finir sur une note nostalgique. Par nature, je préfère l'optimisme, voir le bon côté des choses sinon des lendemains qui chantent. Il paraît que la bise du nord-est apporte ici « le plus souvent un ciel bleu ». Et je viens de repérer, par hasard, l'existence d'un homonyme pas si lointain, le Red Star Courneuvien, oui, j'ai vu une photographie de 1907 où on discerne onze joueurs en large short blanc et maillot vert frappé d'une étoile rouge, debout ou assis – pas encore accroupis – devant un ballon, entourés d'une bonne demi-douzaine d'officiels en manteau et du garde-champêtre qui se pousse du col pour être sur la photo.



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